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Prix de thèse smart grids 2022 : quatre jeunes chercheurs récompensés


Publié le 21 Janvier 2022



Lors de sa cérémonie des vœux du 13 janvier, Think Smartgrids a remis le Prix de la thèse smart grids à quatre jeunes chercheurs, dont les travaux se sont distingués par leur qualité et leur contribution aux smart grids et à la transition énergétique.

Chaque année, le Conseil scientifique de Think Smartgrids, présidé par Nouredine Hadjsaid (Grenoble INP) et vice-présidée par Pierre Mallet (Enedis), récompense les thèses les plus remarquables pour les réseaux électriques intelligents. Cette année, quatre prix ont été attribués : Prix Féminin, Prix Masculin, et deux Coups de Cœur du Jury. Les thèses récompensées apportent notamment des solutions pour améliorer la flexibilité des systèmes électriques, une problématique centrale pour réussir à augmenter la part d’énergies renouvelables dans le mix électrique.

Lalitha Subramanian, récompensée du prix Féminin de la meilleure thèse smart grids, a étudié l’amélioration de la stabilité de la fréquence des réseaux électriques disposant d’un taux élevé de pénétration d’énergies renouvelables (EnR) intermittentes, un enjeu fort pour la transition énergétique. Elle a proposé une solution basée sur de l’inertie dite « synthétique » ou « virtuelle » combinée à un système de stockage hybride, afin de se substituer aux machines tournantes des réseaux électriques classiques. Elle s’est plus particulièrement penchée sur des micro-réseaux alimentés à 100% par des EnR en Asie du Sud-Est. Sa thèse, intitulée « Stability enhancement of inverter dominated Power Systems using virtual inertia control », a été effectuée au G2Elab de l’Université Grenoble Alpes en lien avec la Nanyang Technological University (NTU) Singapore.

La thèse part de l’observation que le système électrique est traditionnellement alimenté par des machines tournantes synchrones qui contribuent intrinsèquement à la résilience du système en fournissant une inertie rotative. Avec le remplacement progressif des machines synchrones par des productions d’énergies renouvelables décentralisées et intermittentes, l’inertie inhérente au système est réduite. Il faut donc recourir à l’inertie synthétique pour améliorer la résilience d’un système avec une plus faible inertie. La thèse explore ainsi plusieurs problématiques, telles que la capacité adéquate en termes d’inertie synthétique, de flexibilité et de réactivité de la fréquence, via des convertisseurs, afin de stabiliser un système électrique tendant vers le 100% renouvelable. L’efficacité des stratégies de contrôle proposées a été validée par des simulations numériques dites « avec amplificateur dans la boucle » (simulateur temps réel avec amplificateur).

Felipe Gonzalez Venegas a reçu le Prix de thèse smart grids Masculin pour sa thèse « Electric vehicle integration into distribution systems : user behavior and flexibility implementation », conduite avec le laboratoire GeePs, CentraleSupélec, et Stellantis (partenaire industriel de la thèse). Felipe Gonzalez Venegas s’est intéressé à la relation entre comportements des utilisateurs de véhicules électriques (VE) et potentiel de flexibilité pour le réseau de distribution.

L’intégration massive des VE dans le système électrique fait partie des nouveaux usages susceptibles de créer des contraintes si la recharge n’est pas gérée de façon appropriée. Au contraire, plusieurs stratégies peuvent permettre aux VE d’apporter de la flexibilité au système électrique. En effet, la bonne gestion de la recharge est déterminante pour les réseaux électriques, qu’il s’agisse de « recharge intelligente » ou de « vehicle-to-grid » (la batterie du véhicule restitue de l’électricité au réseau lors des pics de consommation). Ce levier de flexibilité peut apporter de la valeur aussi bien pour le système électrique (limite le risque de congestion, secours en cas de défaut, report d’investissement dans de nouvelles infrastructures) que pour les utilisateurs finaux, et ainsi réduire le coût total de possession d’un véhicule électrique.

Outre les aspects techniques, économiques et réglementaires de l’intégration des VE aux réseaux de distribution d’électricité, la thèse se penche plus particulièrement sur les comportements des utilisateurs. Ainsi, la thèse montre par exemple le besoin de flottes de VE avec des habitudes de connexion fiables, telles que les flottes de véhicules professionnelles, pour fournir des volumes de flexibilité significatifs grâce au vehicle-to-grid.

La mobilité électrique devrait jouer un rôle central demain pour la flexibilité des réseaux, afin d’accompagner l’essor des énergies éoliennes et solaires, et l’étude des comportements des utilisateurs est une étape clé dans la conception de stratégies de recharge intelligente des VE.

Margaux Brégère a remporté le Prix « Coup de cœur du jury » pour sa thèse co-encadrée par le Laboratoire de Mathématiques d’Orsay, l’Inria, et la R&D d’EDF. Sa thèse, intitulée « Stochastic Bandit Algorithms for Demand Side Management », utilise les méthodes d’apprentissage séquentiel issues des mathématiques, et plus particulièrement les algorithmes de Bandit, qui tiennent leur nom des machines à sous (multi-armed bandit) face auxquelles un joueur cherche à maximiser son gain. Margaux Brégère propose d’utiliser ces algorithmes afin d’orienter le comportement des consommateurs et de mettre en place des offres de tarification dynamique pertinentes, dans le but d’améliorer le pilotage de la consommation électrique résidentielle.

Historiquement, l’équilibre entre la production et la consommation d’électricité était maintenu par une gestion par anticipation de la demande et une planification de la production. Celle-ci se complexifie avec l’intégration au mix énergétique de productions EnR intermittentes. Le déploiement des compteurs communicants rend par ailleurs possible un pilotage dynamique de la consommation électrique individuelle. L’envoi de signaux – tels que des changements du prix de l’électricité – permettrait d’inciter les usagers à moduler leur consommation afin qu’elle s’ajuste au mieux à la production d’électricité. Les algorithmes apprennent peu à peu la réaction des consommateurs face à ces signaux afin de les optimiser (compromis exploration-exploitation). L’approche de la thèse, fondée les algorithmes de bandits stochastiques, a permis de formaliser ce problème d’apprentissage séquentiel et de proposer un premier algorithme pour piloter la demande électrique d’une population homogène de consommateurs. Des expériences réalisées sur des données de consommation de foyers soumis à des changements dynamiques du prix de l’électricité ont été conduites. Ces différents travaux ont finalement été combinés pour proposer et tester des algorithmes de bandits pour un pilotage personnalisé de la consommation électrique.

Un prix « Coup de cœur du jury ex-aequo » a également été décerné à Thomas Heggarty pour sa thèse « Optimisation technico-économique du mix de flexibilité d’un système électrique », co-encadrée par le laboratoire PERSEE de MINES ParisTech et le gestionnaire de réseau de transport RTE. Là encore, il s’agit de répondre à l’augmentation de la part des énergies renouvelables intermittentes dans le réseau en remplacement des sources thermiques pilotables, qui conduit à augmenter le besoin en flexibilité du système électrique. La thèse de Thomas Heggarty pose donc la question fondamentale de la combinaison optimale de leviers de flexibilité (combinant production, consommation, stockage et interconnexions) capable d’assurer le bon fonctionnement d’un système à forte pénétration d’énergies renouvelables.

Dans cette thèse, de nouveaux indicateurs sont proposés pour quantifier différentes facettes de la flexibilité, améliorant la compréhension et la capacité à communiquer des recommandations à un public large. La thèse se concentre ensuite sur l’amélioration de la prise en compte de la flexibilité dans la planification du système électrique, notamment à travers le couplage de deux types d’outils, le modèle d’expansion de capacité OSeMOSYS et l’outil de simulation du dispatch Antares. Elle apporte des réponses concrètes pour améliorer la planification à long terme du réseau et fournir une méthodologie permettant de construire des scénarios robustes pour mieux prévoir les besoins en flexibilité et les trajectoires d’investissement. Les travaux de Thomas Heggarty ont d’ailleurs été utilisés dans le cadre de l’étude « Futurs énergétiques 2050 » de RTE.

À travers ce prix de la thèse, sponsorisé par RTE, Enedis et EDF, Think Smartgrids soutient ainsi la recherche au service des réseaux électriques intelligents. La recherche et l’innovation sont en effet au cœur des préoccupations de la filière smart grids, alors que la digitalisation des réseaux est un maillon essentiel de la transition énergétique.