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Mieux intégrer les énergies renouvelables au réseau : la filière française propose ses solutions


Publié le 02 Février 2021



Accroître la part des énergies renouvelables dans les mix énergétiques est un enjeu crucial pour décarboner la production d’énergie, première source de gaz à effet de serre d’origine humaine dans le monde. Cependant, le caractère intermittent des productions solaires et éoliennes questionne la possibilité de réaliser des mix 100% renouvelables à un coût maîtrisé et sans démultiplier les moyens de stockage type batteries. Alors que l’Europe a fixé des objectifs ambitieux pour le développement des renouvelables, les acteurs français des smart grids mènent aujourd’hui de nombreuses expérimentations pour optimiser l’intégration et l’utilisation de ces capacités de production distribuées et variables sur le réseau électrique, avec un nombre croissant de projets matures en phase d’industrialisation.

 

Think Smartgrids etude prospective cre parc eolien

 

 

Le 26 Janvier, Think Smartgrids, qui fédère la filière française des smart grids, et l’association Smile, projet régional collectif pour développer les smart grids en Bretagne et Pays-de-la-Loire, ont animé deux tables rondes sur la plateforme d’Enlit Europe (ex-European Utility Week) pour faire le point sur les technologies optimisant l’intégration des énergies renouvelables au réseau proposées par les entreprises françaises.

Valerie Anne Lencznar, déléguée générale de Think Smartgrids, a dressé un état des lieux du développement des énergies renouvelables en France : avec une augmentation de 20% en 5 ans, la puissance installée d’EnR représente 55 314 MW en 2020, avec 95% des installations connectées au réseau de distribution et 123 TWh produits annuellement, se positionnant au 2e rang des pays de l’Union européenne. Alors que le gestionnaire de réseau de transport RTE a récemment publié une étude sur la faisabilité d’un mix 100% EnR en France, la filière française travaille déjà depuis plusieurs années à des projets ambitieux. Mme Lencznar évoque notamment le projet conduit par EDF et Enedis pour développer un mix 100% renouvelable sur l’Île de Sein en Bretagne grâce à un système de gestion de la production et de la consommation d’énergie, aux compteurs intelligents Linky et à la meilleure maîtrise des consommations des bâtiments.

 

Le dynamisme de la filière française des smart grids dans le développement de projets d’autoconsommation collective a par ailleurs été illustré par les projets évoqués lors de la table ronde modérée par Marine Gabory de l’association Smile. Henry le Gallais, fondateur de la PME bretonne ENAG, a présenté le projet de « smart island » des Glenan. ENAG, spécialiste des systèmes de conversion d’énergie, y optimise la production et la consommation d’énergie renouvelable, qui constitue déjà 95% de l’énergie consommée sur l’île avec un système combinant solaire, éolien, batteries et compresseur d’air.

Enerfox, PME spécialisée dans les services de gestion intelligente de l’énergie, travaille quant à elle à l’optimisation du stockage, mais aussi de la durée de vie des batteries, enjeu essentiel pour une transition énergétique bas carbone. Nicolas Samon, responsable du développement commercial d’Enerfox, a évoqué les projets menés pour optimiser les cycles de stockage et de consommation de l’énergie, en priorisant les usages en journée et en évaluant les impacts sur la durée de vie de la batterie. En période de faible luminosité, Enerfox teste par ailleurs des panneaux réversibles qui captent le rayonnement du sol et d’autres surfaces via l’effet d’albédo.

Linda Lamraoui, directrice marketing développement chez engie home performance, a également évoqué le projet Harmon’Yeu mené par Engie pour développer l’autoconsommation collective sur l’île d’Yeu en Bretagne. Des foyers producteurs (et consommateurs) d’énergie grâce à des panneaux solaires installés sur leur toit alimentent également les équipements électriques d’autres foyers (chauffage, eau chaude, éclairage, électroménager…), au sein d’une véritable communauté énergétique.

 

Afin d’optimiser l’intégration et l’utilisation des sources d’énergie renouvelable dans le réseau électrique, la filière française des smart grids est particulièrement active sur la question du traitement des données et du développement de solutions basées sur l’intelligence artificielle. Thomas Bazin, Strategic Account Executive chez Schneider Electric et président de la Commission internationale de Think Smartgrids, a également souligné l’importance des données et de l’IA pour permettre aux EnR de participer aux services systèmes, pour améliorer les modèles de décision, ou encore planifier la production et l’implantation des EnR.

Il a ensuite interrogé Olivier Genest, directeur de la PME Trialog, qui préside le groupe de travail sur la gestion des données de l’initiative européenne BRIDGE, qui regroupe plus de 60 projets H2020 sur les smart grids. Ce groupe de travail vise à surmonter les obstacles et favoriser la coopération pour l’échange de données relatives aux réseaux électriques et intersectorielles. Selon M. Genest, un des enjeux clés pour que l’IA puisse faciliter l’intégration des énergies renouvelables est d’harmoniser et de définir des références pour les données et systèmes smart grids au niveau européen, et plus particulièrement d’accroître l’interopérabilité des moyens de flexibilité, sur laquelle Trialog apporte son expertise. Il a ensuite présenté le projet pilote InterConnect (Interoperable Solutions Connecting Smart Homes, Buildings and Grids) à Toulon, France, qui vise à maximiser l’utilisation de la production d’origine renouvelable grâce aux flexibilités locales, ajustant la consommation des bâtiments intelligents et véhicules électriques aux besoins du réseau électrique. Trialog a notamment travaillé sur l’architecture interopérable et l’échange des données, grâce à « l’ontologie SAREF » (Smart Applications REFerence), modèle de consensus partagé qui facilite la mise en correspondance des actifs existants, afin d’optimiser l’utilisation et la prédiction des sources d’énergie renouvelable, d’apporter une aide à la décision ou encore d’activer des flexibilités comme la recharge intelligente des véhicules électriques.

Georges Kariniotakis, professeur à MINES ParisTech et directeur du groupe smart grids & énergies renouvelables ERSEI, a expliqué comment l’IA pouvait améliorer les modèles prédictifs et les outils d’aide à la décision, mais aussi simplifier des chaînes de modèles complexes. Il a enfin présenté les recherches menées dans le cadre du projet H2020 Smart4RES qui vise à améliorer à la fois le modèle et la chaîne de valeur de l’intégration des EnR dans les réseaux et les marchés de l’électricité. Dans ce contexte, l’IA offre de nouvelles possibilités pour exploiter la richesse des données disponibles, mais aussi pour simplifier les chaînes de modèles complexes. M. Kariniotakis a souligné l’importance des recherches menées pour développer des outils IA plus facilement interprétables, afin que leur usage devienne plus répandu.

Enfin, Vincent Renault, directeur R&D d’Artelys, a présenté les algorithmes basés sur l’IA développés par cette entreprise spécialisée dans l’optimisation, l’aide à la décision et la modélisation dans les secteurs de l’énergie et des transports. Ses algorithmes IA reconstituent et modélisent les charges du réseau électrique pour aider à optimiser l’intégration des énergies renouvelables. Par le biais de simulations, ces modèles permettent en effet d’évaluer l’impact de la pénétration des EnR et de leur comportement en fonction des différents leviers de flexibilité mis en place. Artelys, à travers le projet Next, soutenu par l’ADEME, développe le logiciel Artelys Crystal Nextgrid permettant de réaliser des simulations de scénarios prospectifs de l’évolution des grands réseaux de distribution et des solutions de flexibilité à développer. L’objectif est de développer une plateforme logicielle de référence pour la simulation et le dimensionnement de réseaux de distribution d’électricité intelligents.

 

Les données et l’IA semblent ainsi être porteuses de solutions incontournables pour assurer la résilience de réseaux électriques décarbonés et flexibles, qui accueillent une part croissante d’énergies renouvelables. De nombreux projets donnent déjà des résultats prometteurs pour développer des mix énergétiques approchant les 100% d’EnR, mais la flexibilité et l’interopérabilité sont deux enjeux essentiels pour garantir la viabilité de ces systèmes.

 

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