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Pompes à chaleur : quelles conditions pour garantir une performance optimale ?


Publié le 08 Février 2023



Les pompes à chaleur ont le vent en poupe et sont souvent présentées, à juste titre, comme une technologie centrale pour la décarbonation de nos systèmes énergétiques. Pour autant, leurs performances réelles peuvent être assez éloignées de celles affichées par les fabricants et dépendent de nombreux facteurs. L’association Negawatt a publié fin 2022 une étude sur les conditions de fonctionnement nécessaires pour qu’une pompe à chaleur (PAC) puisse efficacement remplacer une chaudière, et fonctionner de manière optimale. Selon les auteurs, l’absence de règles et d’obligations claires concernant les conditions d’installation des PAC peut conduire à des désordres qui risquent de décrédibiliser les PAC auprès du grand public, de générer des appels de puissance problématiques pour le réseau électrique et ne produiront pas les résultats escomptés en termes de réduction de la consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Alors que les PAC sont le principal levier pour décarboner et réduire la consommation du chauffage, quels sont les critères à respecter pour obtenir des performances optimales ?

Premier rappel important : au contraire d’une chaudière, la performance des PAC baisse quand la température extérieure chute. Ainsi, sans rénovation du logement, un système de chauffage complémentaire sera nécessaire avec la plupart des PAC vendues sur le marché pour assurer une température acceptable, sauf dans les climats aux hivers les plus doux. Le coefficient de performance* (COP) réel d’une PAC peut ainsi être du tiers par rapport au COP théorique affiché par le fabriquant. C’est notamment le cas des PAC air-air dont le fonctionnement par grand froid est grevé par la consommation d’« auxiliaires » (pompes et ventilateurs), entraînant en outre des nuisances sonores pour le voisinage. Ces PAC, dont le COP en conditions réelles oscille entre 1,8 et 2,5, ne bénéficient d’ailleurs plus d’aides de l’État.

*le Coefficient de performance ou COP est le ratio entre la chaleur produite par une PAC et l’énergie qu’elle a utilisée pour fonctionner. Autrement dit, son rendement. Un COP de 3 signifie que la PAC a produit 3 kWh de chaleur pour 1kWh d’électricité consommée. Il faut distinguer le COP théorique, indiqué par le fabriquant, du COP réel, qui dépend beaucoup des conditions de fonctionnement de la PAC. Le COP réel est de 1,8 à 2,5 pour les PAC air-air, 3 à 4 pour les PAC air-eau, au minimum 4 et parfois supérieur à 6 pour les PAC eau-eau (incluant les « sondes sèches » ou « géothermie basse température »).

En plus de ne pas faire suffisamment baisser la facture d’énergie, cette surconsommation des PAC provoque aussi des appels de puissance très élevés qui pourraient mettre sous tension le réseau électrique, même s’il faut noter que le rapport n’évoque pas la possibilité de pouvoir piloter en temps réel les PAC pour les faire contribuer à l’équilibre du réseau, une solution que devrait bientôt proposer l’entreprise Voltalis, comme elle le fait déjà sur les radiateurs électriques.

Autre élément à prendre en compte impérativement : la température de départ vers les radiateurs. En effet, dans les logements anciens, les radiateurs installés sont généralement « à haute température », c’est-à-dire prévus pour fonctionner avec un circuit d’eau pouvant être chauffée jusqu’à 90°C. Or, les PAC les plus répandues sont prévues pour fonctionner avec des températures de fluide (eau) aux alentours de 45°C et peuvent difficilement produire au condenseur des températures supérieures à 55°C.

Résultat : avec une PAC basse température seule, certains logements très mal isolés ne pourront pas être chauffés à plus de 14°C par grand froid ! Les pompes à chaleur haute température (jusqu’à 80°C), qui peuvent remplacer une chaudière fioul ou gaz dans un logement ancien non rénové, même en climat froid, sont tout de même jusqu’à deux fois plus onéreuses, et loin d’atteindre les performances des PAC basse température fonctionnant dans des conditions adéquates. Volumineuses et parfois bruyantes, elles ne permettent pas de réduire de manière satisfaisante la consommation d’électricité et la puissance électrique maximale soutirée.

En revanche, si on pratique une rénovation efficace (a minima au niveau du label BBC), les PAC fonctionnent alors, selon l’étude de Negawatt, « dans des conditions exceptionnelles » qui peuvent diviser par 10 à 20 les consommations d’énergie primaire, jusqu’à 47 la consommation d’énergie finale, et jusqu’à 100 les émissions de GES, par rapport à l’utilisation actuelle de chaudières aux énergies fossiles dans des passoires thermiques. Quant aux appels de puissance, leur impact sur le réseau devient négligeable : en convertissant 50% de toutes les chaudières gaz et fioul des passoires thermiques, la puissance maximale appelée représenterait 0,51 GWc, soit 32% de la puissance d’un seul EPR.

Pour exemple, le rapport explique : « Pour passer d’un régime de température 90/70°C à un régime 45/35°C, il faut diviser par 4,3 le niveau total des déperditions (parois + ventilation), et grâce aux performances de la PAC, cela conduit finalement à diviser par plus de 10 la consommation en énergie primaire (et par environ 25 la consommation en énergie finale). » Cette rénovation « facteur 4 » permet en effet d’abaisser jusqu’à 45°C la température des radiateurs déjà en place, sans nécessiter leur remplacement, et de permettre ainsi un fonctionnement optimal de la PAC. La consommation d’électricité pour le chauffage n’est alors plus que de 5 à 6 kWh/m²/an (la moyenne actuelle est de 110).

Dans ces conditions, les PAC air/eau offrent d’excellentes performances, mais les rendements les plus impressionnants reviennent aux PAC géothermiques et aux PAC eau/eau qui permettent en outre de proposer une solution très efficace en climat froid, la température du sol et des nappes souterraines restant assez constante tout au long de l’année. Les PAC eau/eau réduisent ainsi d’encore 25% la puissance de pointe par rapport aux PAC air/eau, et de 14 à 18% la consommation et les émissions de GES selon le mode de régulation des PAC. Enfin, ces PAC n’émettent pas de nuisance sonore, et peuvent convenir aussi bien aux maisons individuelles qu’aux immeubles de dix étages.

Un autre levier d’action pour augmenter sensiblement la performance des PAC est enfin l’utilisation de la technologie dite Inverter plutôt qu’une régulation de type TOR (Tout ou rien). En effet, au lieu d’un simple mécanisme marche/arrêt du compresseur qui ne permet pas une adaptation fine au niveau de température, la régulation Inverter permet de faire varier la vitesse du compresseur en fonction des besoins réels, améliorant les performances d’environ 20%.

Quel serait le résultat si on remplaçait 50% des chaudières gaz et fioul des passoires thermiques en France ? Le graphique ci-dessous compare, pour chaque type de solution avec PAC, les résultats en termes de consommation d’énergie primaire, puissance électrique de pointe et émissions de gaz à effet de serre. À part dans le cas des PAC en relève de chaudière et hybrides, qui ne permettent des réductions « que » de 38 à 55% des émissions de GES, ces émissions sont drastiquement réduites avec toutes les autres solutions de PAC, y compris sans rénovation, passant de 7 MtCO2 à 1,4 MTCO2 voire beaucoup moins. Mais concernant les deux autres points, il apparaît très clairement qu’une rénovation thermique est un prérequis essentiel pour obtenir des résultats satisfaisants.

Ainsi, les PAC sont amenées à jouer un rôle de premier plan pour atteindre nos objectifs de décarbonation, alors que les bâtiments représentent en France 23% des émissions de GES. Des solutions variées, adaptées aux logements collectifs comme individuels, au tertiaire et à toutes les conditions climatiques existent, mais il est important d’installer ces PAC dans des conditions qui vont permettre leur fonctionnement optimal, notamment en optant pour un type de PAC adapté aux conditions climatiques extérieures et en les couplant à une rénovation thermique efficace (ou à défaut, en faisant participer les PAC à la flexibilité du réseau). Cela aura aussi des effets très bénéfiques sur le réseau électrique, pour réduire les appels de puissance autant que la consommation globale d’électricité, alors que cette dernière est amenée à croître fortement pour permettre une sortie des énergies fossiles et espérer atteindre la neutralité carbone.

 

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