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Nouveau cadre juridique et nouveaux acteurs pour développer l'autoconsommation collective


Publié le 11 Décembre 2019



Le nombre d’installations électriques en autoconsommation raccordées au réseau Enedis (toutes énergies confondues) avait doublé en 2018, passant d’environ 20 000 installations fin 2017 à 40 000 fin 2018. Au 3e trimestre 2019, leur nombre était de 58 530 et pourrait atteindre le seuil des 60 000 d’ici la fin 2019 (une croissance de 50 % en un an). La puissance raccordée a, par ailleurs, doublé en neuf mois, passant de 143 MW fin 2018 à 306 MW au 3e trimestre 2019. (1)

Pour développer l’autoconsommation, le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2023 prévoit :

  • de « clarifier le cadre applicable au modèle de tiers investisseur
  • d’ouvrir de nouvelles possibilités pour l’autoconsommation collective et de faciliter leur financement ;
  • de porter à 1 MW la taille maximale des installations éligibles à l’appel d’offres autoconsommation ;
  • d’élargir la maille de l’autoconsommation pour permettre des projets d’autoconsommation collective d’une taille plus importante (grand projet d’aménagement / éco-quartiers) ».

 

Vue aérienne d’un immeuble équipé de panneaux solaires à Munich – Crédit photo Julian Wildner en CC

 

Extension du périmètre de l’autoconsommation collective à 2 kilomètres

La loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), adoptée début 2019, avait élargi la notion d’autoconsommation collective avec un périmètre d’intervention qui peut désormais s’étendre au-delà de la zone desservie par un même poste BT (basse tension).

Un arrêté, publié le 24 novembre, étend la distance maximum entre deux sites faisant partie de la même opération à 2 kilomètres. Ce nouveau critère de proximité géographique rendra possible la réalisation d’opérations d’autoconsommation collective de plus grande ampleur, tout en conservant la dimension locale inhérente à l’autoconsommation. La maille retenue jusqu’ici restreignait considérablement le périmètre des opérations, deux consommateurs voisins ne pouvant pas faire partie d’une même opération d’autoconsommation. Elle était inadaptée à des opérations d’urbanisme importantes, comportant un mélange de fonction (résidentiel ou tertiaire) et de typologie (neuf, ancien).

 

Vers des « communautés d’énergies renouvelables »

La Loi Energie-Climat publiée le 9 novembre au Journal officiel, inscrit dans la loi l’objectif d’une neutralité carbone en 2050 et prévoit une série de dispositions favorables à l’autoconsommation comme la simplification des procédures pour les bailleurs sociaux désireux de faire bénéficier leurs locataires d’autoconsommation collective.

L’article 40 modifie les dispositions relatives à l’autoconsommation. Transposant une directive européenne, il introduit la notion de « communauté d’énergies renouvelable ».

Cette communauté est définie comme « une entité juridique autonome qui repose sur une participation ouverte et volontaire (ii) effectivement contrôlée par des actionnaires ou des membres se trouvant à proximité des projets d’énergie renouvelable auxquels elle a souscrit et qu’elle a élaborés. Ses actionnaires ou ses membres sont des personnes physiques, des petites et moyennes entreprises, des collectivités territoriales ou leurs groupements ». Elle a « pour objectif premier de fournir des avantages environnementaux, économiques ou sociaux à ses actionnaires ou à ses membres ou aux territoires locaux où elle exerce ses activités, plutôt que de rechercher le profit ».

L’article 40 précise qu’une communauté d’énergie renouvelable « est autorisée à produire, consommer, stocker et vendre de l’énergie renouvelable, y compris par des contrats d’achat d’électricité renouvelable ; partager, au sein de la communauté, l’énergie renouvelable produite par les unités de production détenues par ladite communauté accéder à tous les marchés de l’énergie pertinents, directement ou par l’intermédiaire d’un agrégateur ».

L’article 42 élargit la possibilité pour les communes et leurs groupements de participer au capital de sociétés dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables par des installations situées sur leur territoire ou sur des territoires « limitrophes ».

Essor des « projets citoyens » et du financement participatif dans le domaine des énergies renouvelables

La France a connu un fort développement des projets citoyens d’énergies renouvelables de ces dernières années.

Énergie Partagée (qui regroupe des citoyens, des associations et des collectivités qui développent des projets de production d’EnR) recense 240 projets de ce type. Ces projets concernent en majorité (60 % du total) des projets solaires de taille modérée (grappes photovoltaïques en toiture).

L’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales), dans son Etat des lieux des projets participatifs et citoyens d’énergies renouvelables en France observe une consolidation de « l’écosystème de l’énergie citoyenne » :

  • 10 réseaux régionaux, impulsés par Énergie Partagée, Enercoop, l’Ademe et les régions soutiennent aujourd’hui l’émergence des projets locaux à travers toute la France.
  • Parallèlement, de nombreuses régions ont mis en oeuvre des programmes de soutien aux projets locaux, à l’instar des Régions Occitanie, Nouvelle-Aquitaine ou Île-de-France.
  • Un fonds d’investissement en capital-risque, EnRciT, visant à soutenir les projets durant la phase de développement, a vu le jour en 2018.
  • Énergie Partagée Investissement, pour sa part, avait levé 17 millions d’euros auprès de 5 300 actionnaires à la fin 2018. Un total de 50 projets ont ainsi été cofinancés pour 10,6 millions d’euros, représentant 104 MW de capacités.
  • L’IDDRI observe une dynamique similaire pour le financement participatif : les fonds collectés pour les projets EnR ont doublé entre 2016 et 2017 pour atteindre 20,5 millions d’euros, principalement sur des projets éoliens (45 %) et solaires (45 %). Le financement des EnR représente environ 10 % du total des sommes collectées via le crowdfunding en France.

 

Energie consommée et puissance : une tarification à rééquilibrer ?

RTE prévoit 4 millions d’autoconsommateurs en France en 2030 : une production annuelle comprise entre 9 et 20 TWh, soit au maximum environ 4 % de la consommation électrique française.

Dans une note consacrée aux réseaux de distribution d’électricité dans la transition énergétique, publiée en novembre 2019 par France Stratégie, Étienne Beeker s’interroge sur les implications du développement de l’autoconsommation pour les réseaux de distribution.

Selon le conseiller scientifique en charge des questions énergétiques de France Stratégie, « l’autoconsommation est soutenue actuellement pour des raisons principalement politiques, dans la mesure où elle facilite l’atteinte des objectifs de déploiement des EnR. Si elle apparaît rentable à ceux qui y ont recours, c’est souvent en raison de dispositions fiscales et tarifaires favorables. Celles-ci ne sont pas durables dans le temps car l’assiette des consommateurs supportant les coûts fixes du réseau va se réduire à mesure que le nombre de consommateurs augmentera ».

Pour Étienne Beeker, « conserver une tarification fortement axée sur l’énergie conduirait, dans le système électrique largement décentralisé qui se met en place, à des effets d’aubaine. (…) Une tarification davantage fondée sur la puissance souscrite constitue une incitation pour le client à maîtriser la puissance appelée ou injectée, donc à lisser sa charge et à mieux la répartir dans le temps. C’est aussi une incitation à développer le stockage (et la mobilité électrique pilotée), les moyens de pilotage de la demande et plus généralement toute solution de flexibilité permettant de pallier l’intermittence des énergies locales renouvelables ».

 

Etienne Beeker s’attache ensuite, à réfuter l’argument souvent invoqué selon lequel une tarification à la puissance irait à l’encontre de la maîtrise de la consommation d’énergie. « La maîtrise des consommations est une affaire de sobriété et donc de kWh économisés, mais aussi d’efficacité énergétique. Tarifer davantage à la puissance constitue une incitation à mettre sur le marché des équipements ou des solutions plus efficaces donc in fine moins consommateurs, ainsi qu’à mieux lisser sa charge. Dans les transports, des véhicules moins puissants engendrent durablement des consommations de carburant moindres, pour le même nombre de kilomètres parcourus ». Et rappelle que dans la plupart des pays européens, le péage d’accès au réseau repose à la fois sur la puissance souscrite et sur l’énergie consommée.

 

(1) Enedis a mis en ligne en novembre 2018, une plateforme, Le mix par Enedis, qui détaille avec précision les différents raccordements au réseau, par trimestre, par puissance, par type de raccordement, par type d’énergie.

(2) France Stratégie est une institution autonome placée auprès du Premier ministre, qui contribue à l’action publique par ses analyses et ses propositions.

 

Voir aussi :
Autoconsommation : 40 000 foyers en 2018, 4 millions à l’horizon 2030