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IA et réseaux : comment passer à l’échelle ?


Publié le 09 Mars 2021



Alors que les événements climatiques extrêmes se multiplient et que nos réseaux électriques intègrent une part croissante de solaire et d’éolien, l’intelligence artificielle peut jouer un rôle clé pour garantir la résilience future des réseaux. Les expérimentations en la matière sont foisonnantes, et la France jouit d’un écosystème de startups et de PME de l’IT très dynamique, mais beaucoup des solutions proposées échouent à passer de la phase de démonstration à l’échelle industrielle. Lors d’un webinaire organisé vendredi 5 mars par Think Smartgrids, opérateurs de réseaux et entreprises innovantes ont pu échanger sur les facteurs clés de succès pour réussir son passage à l’échelle.

 

 

Sophie Delamarche, Directrice de projets chez Capgemini et animatrice du webinaire, a d’abord interrogé trois opérateurs de réseaux sur les projets IA menés par leurs équipes et ayant démontré leur valeur ajoutée, ainsi que sur les principaux enseignements tirés de ces expériences.

Alain Ruffieux, Responsable de l’unité Gestion Infrastructure de Groupe E, DSO suisse, a ainsi évoqué l’Impératif pour les gestionnaires de réseau de sécuriser la planification grâce à l’IA, dans le contexte d’une augmentation de la production décentralisée d’énergies renouvelables et du développement de la mobilité électrique. La priorité pour Groupe E a ainsi d’abord été de rechercher des « quick wins » pour adapter la planification du réseau à ce nouveau contexte. Un premier projet a été mené avec succès en utilisant l’IA pour détecter et « nettoyer » les anomalies présentes sur les courbes de charge, ce qui a également permis au DSO de catégoriser ses clients selon différents profils de consommation, alors que les compteurs intelligents ne sont pas encore déployés en Suisse.

Enedis, principal distributeur français d’électricité, recourt déjà assez largement à l’IA pour développer de nouveaux outils statistiques, réaliser de la « maintenance prédictive » et détecter les anomalies sur le réseau, ou encore optimiser les choix d’investissements. Yves Barlier, chef du service smart grids d’Enedis, a ainsi expliqué comment l’IA pouvait améliorer la maintenance des câbles souterrains, en anticipant leur détérioration grâce aux algorithmes.

Gabriel Bareux, Directeur R&D de RTE, a enfin évoqué la volonté du gestionnaire de réseau de transport d’électricité français d’utiliser l’IA pour réinventer le pilotage du réseau : grâce à l’IA, certaines tâches moins complexes, fastidieuses et répétitives, pourront être automatisées, tandis que les opérateurs dans les salles de contrôle auront accès à une information plus qualitative qui leur permettra de se concentrer sur des tâches de plus haut niveau. L’IA est ainsi redéfinie par RTE comme « intelligence augmentée », combinant intelligence artificielle et intelligence humaine pour assister les équipes et libérer un temps précieux pour effectuer les tâches les plus complexes.

 

Parmi les points clés identifiés par les intervenants pour permettre le passage à l’échelle d’un projet, conduire une analyse de rentabilité solide dès la conception du projet, mais aussi tenir compte de l’expérience utilisateur, des réalités du terrain et de la transformation culturelle nécessaire en interne, afin que l’IA soit une véritable assistance aux équipes plutôt qu’une contrainte, sont des prérequis essentiels. Hugues de Bantel, vice-président de Think Smartgrids et directeur de Cosmo Tech, témoigne ainsi que pour échapper au « purgatoire des PoC », sa PME a choisi d’adopter dès la conception des projets un prisme centré sur le passage à l’échelle, en se concentrant particulièrement sur la création de valeur, sur l’adoption de la solution par les utilisateurs, mais aussi sur la gouvernance du projet, afin de garantir le soutien de la direction et des représentants des unités opérationnelles qui développeront la solution.

 

Thierry Chambon de la société Energisme, spécialisée dans l’Energy Data management, et Hervé Rannou de la PME SenX, éditeur de logiciel qui développe des solutions pour le traitement et l’analyse des données issues de capteurs, ajoutent qu’un des critères essentiels d’un projet IA est aussi la qualité des données brutes mesurées à la source. Développer une solutions IA qui portera ses fruits nécessite ainsi de développer en amont une stratégie data, pour que les algorithmes analysent des données pertinentes et fiables. L’enjeu est également de pouvoir créer plusieurs cas d’usage à partir des mêmes données collectées, afin de maximiser la création de valeur.

 

Sécuriser les réseaux, supprimer des tâches répétitives et assister les équipes dans leur travail, améliorer la prévision, ou encore développer de précieux outils d’aide à la décision, l’Intelligence artificielle a potentiellement de nombreuses applications pour les réseaux. Mais pour réussir leur passage à l’échelle, les solutions développées doivent tenir compte des réalités du terrain, partir des besoins des utilisateurs et les accompagner dans la prise en main des outils, et bien sûr justifier d’un réel retour sur investissement pour les gestionnaires de réseaux, avec une analyse de valeur réaliste.

 

 

 

Ce webinaire a été organisé dans le cadre du groupe de travail Données et Transformation digitale de l’association Think Smartgrids, piloté par Thomas Lacroix (Cosmo Tech) et Benjamin de Buttet (DCbrain).