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Pour reconstruire son infrastructure électrique, l’Ukraine veut miser sur les énergies renouvelables


Publié le 25 Novembre 2022



Après la destruction d’une partie de son infrastructure électrique, l’Ukraine se projette déjà dans l’avenir et met le cap sur les énergies renouvelables. 

Au cours des derniers mois, le réseau électrique ukrainien a subi des centaines de frappes de missiles et attaques de drones, paralysant près de la moitié du système énergétique ukrainien. Les trois centrales nucléaires ukrainiennes sous contrôle de Kiev ont toutefois pu être reconnectées le 24 novembre au réseau électrique. Le principal défi reste celui de l’approvisionnement en « équipements et pièces de rechange. Avant la guerre, 70 % de l’énergie de l’Ukraine provenait du nucléaire, 10 % des énergies renouvelables et le reste d’autres sources. Le gouvernement ukrainien a souligné depuis l’invasion qu’il prévoyait d’étendre sa base d’énergie renouvelable, avec un objectif national de 30 GW pour 2030 et l’ambition de devenir un exportateur d’hydrogène vert vers l’UE. Se projetant dans l’avenir, le président Zelensky a déclaré que l’Ukraine ne remplacerait pas les infrastructures héritées de l’ère soviétique. Alors que le milliardaire minier australien Andrew Forrest annonçait apporter 500 millions de dollars à l’Ukraine Green Growth Fund, un fonds d’investissement orienté vers la reconstruction des infrastructures en Ukraine, le président Zelensky a ainsi annoncé fin novembre : « Nous passerons plutôt aux dernières technologies. Nous profiterons du fait que ce que les Russes ont détruit peut facilement être remplacé par les infrastructures vertes et numériques les plus récentes et les plus modernes ».

La pluie de missiles qui s’est abattue sur plusieurs villes d’Ukraine, le 15 novembre dont Kyiv, Kharkiv et Lviv, a été la plus grande attaque de l’histoire du secteur de l’énergie, privant d’électricité jusqu’à 12 millions d’habitants et faisant craindre des effondrements en cascade. Les frappes russes ont également détruit les infrastructures d’énergie renouvelable – jusqu’à 50 % des capacités solaires et 90 % des capacités éoliennes. Zaporijia, la plus grande centrale électrique d’Ukraine et la plus grande centrale nucléaire d’Europe, est sous contrôle russe. La Russie cible les sous-stations électriques mais aussi les lignes de transmission ou les transformateurs. « Après chaque attaque, nous avons un système énergétique de moins en moins fiable et stable » déclarait le 20 novembre Maxim Timchenko, directeur général de DTEK, le premier fournisseur d’énergie.

« Déployée sur le terrain et alimentée par ses propres ressources mobiles, l’armée ukrainienne n’est pas affectée par ces frappes », commente le Monde. « L’infrastructure électrique ukrainienne, identifiée par le Kremlin comme le talon d’Achille du pays, est clairement visée. Son effondrement complet au début de l’hiver doit, selon les plans russes, créer une vague massive d’émigration vers l’Europe, casser le moral de la population et rompre l’union sacrée entre la direction politique, l’armée et l’opinion publique observée depuis neuf mois. Aucun précédent historique ne vient pourtant illustrer l’efficacité de ce dessein ». Emmanuel Macron a jugé le 23 novembre sur Twitter que « toute frappe contre des infrastructures civiles constitue un crime de guerre et ne peut rester impuni ».

Les autorités programment depuis plusieurs mois des coupures de courant et exhortent les familles à réduire leur consommation d’énergie d’au moins 25%. Les campagnes de communication du gouvernement à la télévision et les applications pour smartphone expliquent aux gens comment se préparer aux pannes et économiser l’électricité.

Depuis la mi-mars, le réseau électrique ukrainien cherche avant tout à assurer sa stabilité. Auparavant relié au réseau russe, il avait été déconnecté lors de l’invasion du pays par les forces de Poutine le 24 février. Depuis juin 2022, l’Ukraine avait donc la capacité d’exporter de l’électricité vers ses voisins, notamment la Roumanie ou la Slovaquie. Les Européens se retrouvent désormais en position d’exportateurs. L’UE ne peut toutefois exporter que 500 MW. « Le raccordement ayant été fait par une procédure d’urgence, il a été réalisé via des lignes de secours n’ayant pas une grosse capacité de transit, explique RTE à Challenges. Des études techniques sont en cours pour tenter d’augmenter cette capacité. « Mais le projet est encore loin de voir le jour ».

Le défi des pièces de rechange pour les réparations

Des équipes d’urgence travaillent 24 heures sur 24 dans tout le pays pour réparer les infrastructures endommagées et manquent cruellement de certaines pièces de rechange.

Les sociétés énergétiques n’ont pas nécessairement des stocks énormes et les remplacements peuvent être difficiles à produire. Selon Andriy Kobolyev, ex-dirigeant de Naftogaz, les réparations pourraient prendre des mois, le délai de livraison pour un gros transformateur pouvant atteindre 12 mois. Certaines infrastructures de l’Ukraine, comme ses centrales au charbon, ont été construites à l’époque soviétique, ce qui complique les réparations.

Un fonds européen d’urgence pour soutenir le système électrique ukrainien a été créé à la demande de Kadri Simson, la Commissaire européenne chargée de l’énergie. « Le challenge principal n’est pas le financement, mais la localisation des bons équipements et s’assurer qu’ils peuvent être livrés rapidement », souligne Kadri Simson, alors qu’une vingtaine d’entreprises européennes ont déjà donné des générateurs, disjoncteurs, câbles et autres transformateurs. Les anciens États soviétiques, dotés de composants électriques similaires, accélèrent les livraisons, notamment de transformateurs usagés.

Le commissaire chargé de la gestion des crises, Janez Lenarčič, déclarait le 17 novembre : « L’UE travaille 24 heures sur 24 pour aider à maintenir l’approvisionnement en électricité en Ukraine. Par l’intermédiaire du mécanisme de protection civile de l’UE, nous livrons à l’Ukraine des générateurs électriques et des équipements énergétiques essentiels ». Les besoins, identifiés par Kiev sont coordonnés à Bruxelles par un centre opérationnel qui fonctionne 24 heures sur 24. Les alliés de l’Ukraine avaient fourni, en octobre, plus de 850 groupes électrogènes.

Energies renouvelables : un objectif affiché de 30 GW pour 2030

En 2019, l’Ukraine abritait le troisième marché européen du solaire photovoltaïque. DTEK Renewables, la branche énergies renouvelables de l’opérateur privé ukrainien, possédait un portefeuille éolien et solaire de 1 GW qui, comme le reste du système énergétique du pays, a été détruit, déconnecté ou occupé par les Russes.

DTEK a repris le 14 novembre le contrôle de la centrale solaire de Tryfonivska, après le retrait russe de la région de Kherson. DTEK souhaite réparer la centrale solaire endommagée et « à la première occasion, commencer à produire de l’électricité pour le système électrique »

Dans un discours prononcé à la COP27, le PDG de DTEK, Maxim Timchenko, a noté que l’Ukraine peut devenir un pays qui produit 100 % d’énergie propre, en utilisant le nucléaire, l’hydroélectricité, l’éolien et le solaire. DTEK promeut actuellement l’idée de construire de nouvelles capacités de production en Ukraine pour fournir 30 GW d’énergie verte d’ici 2030, avec une attention particulière à la décentralisation du système énergétique ukrainien. « Nous devons installer des sources d’énergie renouvelables dans de nombreuses régions du pays. Et pour plus de flexibilité, nous avons besoin de systèmes de stockage d’énergie par batteries à l’échelle industrielle ». RTE international avait d’ailleurs réalisé en 2019 des études de faisabilité complètes en vue de l’installation d’un système de stockage par batterie en Ukraine.

Alors que la plupart des nouveaux projets photovoltaïques ont été suspendus, la Solar Energy Association of Ukraine vise 17 GW de capacité solaire d’ici 2030 et prévoit d’installer un million de toits solaires.

Le gouvernement ukrainien avait annoncé en juillet dernier qu’il prévoyait d’étendre sa base d’énergie renouvelable, avec un objectif national de 30 GW pour 2030 et l’ambition de devenir un exportateur d’hydrogène vert vers l’UE.

La Banque mondiale, de son côté, finance actuellement un appel à propositions pour équiper les centrales hydroélectriques publiques ukrainiennes de systèmes de stockage d’énergie par batterie : 197 MW seraient installés en combinaison avec 35,9 MWc d’énergie solaire pour fournir une alimentation de secours et desservir les systèmes d’alimentation en fonctionnement normal. Ces ressources seraient déployées dans quatre installations hydroélectriques, choisies pour leur importance stratégique le long du fleuve Dnipro, épine dorsale de la production hydroélectrique ukrainienne. En plus de ces quatre sites, le projet envisage le déploiement de 15 MW supplémentaires de stockage d’énergie de longue durée (LDES), ainsi que de 28 MWc de PV solaire sur un autre site hydroélectrique du Dniestr.

En septembre, avant les frappes d’octobre et de novembre, les estimations des dommages aux infrastructures énergétiques s’élevaient à environ 13,4 milliards de dollars. En septembre, la Banque mondiale évaluait les dommages physiques de l’Ukraine à environ 97 milliards de dollars, avec des coûts de reconstruction avoisinant au total les 350 milliards de dollars. La France, pour sa part, vient d’annoncer l’envoi de 100 générateurs électriques.

 

Sources :

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